11/02/2013

Alexandre Mirlicourtois, L’euro flambe : les forts sont plus forts, les faibles plus faibles | Alexandre Mirlicourtois Xerfi Canal

1,29, 1,30, 1,32 et maintenant 1,35. En deux mois seulement, l’euro s’est apprécié de plus de 4% face au dollar. Mais ce n’est pas le plus spectaculaire. Face à la livre sterling, le compteur indique près de 6% et face au yen il grimpe même jusqu’à 15%. C’est le comble pour une région à la traîne de la croissance mondiale depuis des années, et un temps menacée d’explosion. Et il faut se rendre à l’évidence. Si l’euro remonte, c’est pour de mauvaises raisons. S’il remonte, c’est bien à cause de la passivité de la BCE alors que la guerre monétaire fait rage. Guerre des monnaies, guerre des changes, guerre des devises, dévaluation compétitive, tous ces vocables décrivent la même ambition : déprécier sa monnaie pour doper ses exportations et donner un coup de pouce à son économie.
Une tentation forte quand l’économie mondiale ralentit. Mais c’est une stratégie non coopérative car menée au détriment des partenaires commerciaux. Alors, pourquoi une telle passivité ? C’est vrai, les Américains, les Chinois, les Japonais, eux, n’ont pas besoin de mettre d'accord 17 Etats membres pour fixer leur stratégie. Sauf que la réponse est un peu courte. En fait, cette absence de réaction est une stratégie. Cette stratégie, c’est celle de l’euro fort. Une stratégie qui répond parfaitement aux intérêts de l’Allemagne et de ses satellites. D’abord, parce que le haut niveau de gamme de leurs produits (le fameux « Deutsche Qualität ») les place dans une compétition hors-coûts à l’abri, donc, des évolutions de changes. Et aussi, et surtout, parce qu’un euro fort diminue le coût des produits intermédiaires importés de la Mitteleuropa. L’industrie allemande neutralise l’appréciation du change par une baisse de ses prix de production. Le business model de l’Allemagne consiste en effet à délocaliser une partie de la chaîne de valeur dans les PECO. Et ensuite, à importer des modules aux coûts réduits. A l’opposé, avec leurs positionnements d’entrée et de milieu de gamme, la Grèce, le Portugal, l’Espagne, la France et, dans une moindre mesure, l’Italie, c'est-à-dire le Sud de la zone, sont dans une logique de lutte par les coûts. Ce qui rend leurs exportations très sensibles à « l’effet devise ». Un euro en hausse et les produits des pays à bas coût déferlent à nouveau. Un euro en hausse et exporter ne devient possible qu’à marges comprimées. Un euro en hausse et c’est le risque d’une nouvelle vague de désindustrialisation. Sans l’arme du change, pas d’autre solution pour rester compétitif que d’aller encore plus loin dans la déflation salariale. Une voie sans issue, mortelle même. Car on ne réduit pas ainsi les déficits, les dettes et le chômage. La conclusion s’impose alors d’elle-même : il y a un vrai conflit d’intérêt entre le Nord et le Sud sur la valeur de l’euro. Pour l’heure, c’est bien la conception allemande qui domine. Conséquence ? L’euro flambe et les forts deviennent plus forts et les faibles plus faibles. Voir la vidéo.

- En savoir plus sur l'€ fort.

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