27/09/2016

On ne peut consommer que ce que l'on produit

En ce temps pré-électoral, je re publie cette réflexion de juillet 2015

On ne peut consommer que ce que l'on produit

Ce postulat de simple bon sens est une tautologie. La crise grecque nous le rappelle opportunément. Cette crise occupe les esprits depuis des mois; elle s'est exacerbée ces dernières semaines et a culminé avec l'annonce du référendum populaire le 5 juillet 2015. La Grèce nous rappelle qu'on ne peut consommer que ce que l'on produit. Cela était vrai du temps où nous étions chasseurs-cueilleurs; cela était vrai du temps des Romains, du Moyen-âge, de la Renaissance, au 19è siècle après la révolution industrielle; cela est toujours vrai aujourd'hui.
Mais ce que l'on produit dans les différentes parties du monde varie selon les ressources naturelles disponibles, les moyens techniques et humains déployés, l'ingéniosité des hommes, les infrastructures et les institutions qu'ils ont créées qui sont plus ou moins favorables à produire ce que l'on [doit] consommer, et les relations entretenues avec le reste du monde. Je dis [doit consommer] pour signifier qu'une partie de la production-consommation est absolument indispensable: la nourriture et l'eau, le vêtement, le logement et l'énergie 1. De plus, ce que l'on produit dans différentes parties du monde évolue avec le temps.

De tous temps, l'évolution se produit par les innovations technologiques et leur diffusion à travers les parties du monde capables de les adopter et de les assimiler. La mondialisation est aujourd'hui la dynamique par laquelle les innovations se diffusent et permettent d'améliorer les conditions de vie du plus grand nombre, mais à partir des pays développés ou en développement rapide comme la Chine et les autres pays émergents.
Autrefois, la production se déroulait principalement à proximité des consommateurs pour satisfaire leurs besoins essentiels; les producteurs utilisaient les ressources naturelles et la main d'oeuvre locales 7. La production était limitée en quantité par les ressources, les connaissances et les techniques et par les capacités des producteurs. Mais certaines communautés plus ou moins proches ou lointaines disposaient d'autres ressources et produisaient des choses dont on ne disposait pas, parce qu'on ne les produisait pas ou ne qu'on ne pouvait pas les produire, faute des matières premières et des savoirs faire. La conaissance de l'existence de ces produits et de leur utilité pour satisfaire des besoins, se diffusait à la faveur de voyages d'hommes influents et donnait lieu à des échanges contre de la monnaie or ou argent. Le système des banques est né du besoin d'assurer ces échanges. Ce fut le cas des épices, du sel, de la soie, de la laine et des tissus de soie et de laine. D'où l'essor de l'Italie - Venise et Gènes - traits d'union avec l'Orient via la Grèce et les îles de la mer Égée, de la Flandre et tout le nord de l'Europe avec le tissage de la laine, de l'Angleterre producteur de laine, de la Savoie avec le commerce du sel. Progressivement chaque pays a voulu se doter des moyens de produire lui-même tous les produits et les vendre pour s'enrichir puisque le moyen d'échange était la monnaie. C'est le mercantilisme 8. L'Angleterre montra la voie... et les Espagnols découvrant l'Amérique avaient pour but essentiel d'y trouver l'or et l'argent avec lequel ils pouvaient acquérir tous les biens produits n'importe où en Europe.

Mais la monnaie est un bien particulier en ce sens qu'elle n'est qu'un moyen d'échange. Elle n'a d'utilité physique 11, 12.

Revenons donc à la tautologie consommation égale production dans le contexte de la mondialisation d'aujourd'hui. Il est clair qu'aucun pays n'a la capacité de produire tous les produits que la technologie moderne met à notre disposition; même les pays de la taille d'un continent comme les États-Unis, la Russie, le Brésil ou la Chine. Qu'il s'agisse de l'énergie - charbon, pétrole et gaz, du fer, du cuivre, de l'aluminium et autres métaux non ferreux, du coton... des avions, machines outils, et des multples produits manufacturés qui font le confort de la vie moderne. Ces produits sont échangés de manière croisée dans un vaste tableau croisé entre les pays producteurs et leurs consommateurs.
Puisque "consommation égale production", il y a forcément équilibre entre ce qu'on achète aux autres par les échanges internationaux. Si on consomme plus qu'on ne produit, il faut qu'un pays qui produit plus qu'il ne consomme fasse la différence et assure l'équilibre. Cela se fait par le crédit ou par la prise de possession d'actifs du pays en déficit de production. Le crédit peut se faire sous la forme de per-équation, cad. de transferts du pays structurellement excédentaire au pays structurellement déficitaire. Les banques jouent le rôle d'intermédiaires entre les épargnants et les emprunteurs; elles doivent assurer des prêts dans des conditions de sécurité de remboursement en évaluant l'objet de leurs prêts, la solvabilité des emprunteurs sur la durée des prêts et les risques associés aux projets financés. Les institutions doivent fonctionner de manière que si les banques font de mauvais prêts ce soit elles qui soient sanctionnées et que leurs pertes ne soient pas transmises à d'autres segments de la société.
Le pays déficitaire doit accroître sa capacité de produire des biens utiles échangeables sur les marchés internationaux à des prix qui permettent d'équilibrer les échanges, cad. d'acquérir les biens qu'il ne peut pas produire; exemple l'énergie fossile pour produire de l'électricité (charbon, pétrole ou gaz). Ici les technologies sont au coeur du problème pour ce qui concerne l'Afrique par exemple. Car la technologie dominante jusque maintenant était les grosses centrales thermiques comme en occident; mais les énergies renouvelables vent et solaire peuvent changer la donne en permettant des productions par des petites unités décentralisées 1.
Pour se procurer tous les produits de la civilisation moderne occidentale, notamment tout le "made in China" devenu l'atelier de la planète et d'autres pays émergents, il faut produire l'équivalent en valeur monétaire; des produits que les autres ne peuvent pas faire. En France par exemple, on produit des avions pour les compagnies aériennes du monde entier. Mais toute la France ne peut pas travailler pour l'aéronautique à Toulouse!
Si on ne peut acheter aux autres ce que l'on consomme et si les autres cessent de donner du crédit, d'acheter des actifs ou qu'il n'existe pas d'actifs à acquérir, alors il faut que la population renonce à consommer certains produits. Cela s'appelle se "serrer la ceinture" et c'est précisément ce que l'on demande aujourd'hui à la Grèce après avoir inondé ce pays de fonds européens, de crédits bancaires pour l'immobilier etc... Les pays africains sont dans cette situation depuis la fin de la colonisation. L'enclavement, le manque d'infrastructures de transport et de production d'énergie, les cultures d'exportation, les productions minières, tout cela constitue des économies peu orientées vers les échanges intra africains. Voir "Atlas of economic complexity" 10.
  1. La révolution écologique africaine
  2. Actualités Grèce
  3. GRECE : les scénarios divers… et le ‘terrorisme’ technocratique
  4. Good Growth and Governance in Africa; Governance for Development in Africa
  5. Europe’s Attack on Greek Democracy | Joseph Stiglitz
  6. CRISES et Dévoilement | Jacques Sapir
  7. Le travail au Moyen Age | Robert Fossier
  8. Le mercantilisme
  9. Commerce extérieur de la France
  10. Atlas of economic complexity
  11. Histoire de la monnaie; ce que c'est et comment ça fonctionne
  12. La monnaie est une commodité comme les autres qui sert à effectuer des échanges
  13. Organisation Mondiale du Commerce
  14. L’OCDE au chevet du développement Vrais problèmes et solutions en faux-semblants | Jacques Sapir
  15. Les individus ne sont pas ce qu'ils sont censés être | Ha-Joon Chang
  16. A brief history of capitalism. How have we got here? Ha-Joon Chang
  17. le “non” grec place Angela Merkel au pied du mur | Romaric Godin
Source: pratclif.com

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