11/02/2017

Tokamak, la fusion par confinement magnétique

TCV du CRPP à l'EPFL
Lorsque deux atomes légers fusionnent, ils forment un nouvel atome de masse plus petite. Cette différence de masse est à l'origine du dégagement d'énergie (E=mc2), les détails ont été présentés dans l'article sur les différences entre la fission et la fusion. Pour que ces atomes fusionnent, il faut les faire se collisionner à très grande vitesse. De plus, l'objectif étant de produire de l'énergie, il faut réaliser un grand nombre de collision en peu de temps. Pour cela, on utilise aujourd'hui le Tokamak, une énorme machine qui confine un plasma grâce à des aimants. Le plasma étant très chaud, les particules collisionnent à grande vitesse et  fusionnent.  L'énergie tant convoitée est dégagée en augmentant la vitesse des particules (alpha et neutron). 
1. Le principe du Tokamak
Pour que les atomes collisionnent à grande vitesse, il leur faut une grande énergie. Dans un Tokamak, cette énergie leur est principalement transmise par chauffage. En effet, plus un gaz est chaud plus les atomes et molécules qui le composent sont agitées. Si vous ne voyez pas de quoi je parle, allez regarder la vidéo de l'article présentant les changements de phase. On y voit des atomes s'agiter de plus en plus à mesure qu'ils sont chauffés, passant de l'état solide à liquide puis gazeux.
Au bout d'un moment, le gaz est tellement chaud que les atomes qui le composent se séparent en électrons et noyaux. On obtient alors un plasma contenant des atomes, des noyaux(ions) et des électrons. Le taux d'ionisation est décrit par l'équation de Saha.
Ce plasma est le siège de collisions entre les ions et les électrons. Les collisions entre ions peuvent donner lieu à des réactions de fusion. Dans ce cas, de l'énergie est libérée qu'il faudra convertir en électricité.
Ce procédé amenant à des réactions de fusion correspond à celui d'un Tokamak, dont une des particularités est le confinement magnétique. En effet, pour ne pas laisser le plasma s'échapper dans l'air ou taper contre la paroi qu'il ferait fondre, on utilise de très gros aimant pour contenir le plasma dans un espace fermé en forme de tore (beignet). C'est une sorte de saucisse refermée sur elle même, ci-dessous on l'a coupée pour laisser entrevoir l'intérieur.
2. La fusion, source d'énergie
La réaction de fusion a lieu lorsque le Deutérium et le Tritium se rentrent dedans avec une grande quantité de mouvement. On peut faire le parallèle avec des collisions entre voitures, une réaction de fusion ayant lieu lorsque les voitures s'encastrent l'une dans l'autre. Les petits accrochages correspondant aux collisions.
Lorsque deux noyaux entrent en collision, rien ne nous garantit que la réaction de fusion aura lieu. Nous connaissons par contre la probabilité que cela arrive suivant la force de l'impact. Pour évaluer cette probabilité, on parle de section efficace que l'on note σ. Ainsi lorsque l'on envoie un faisceau d'ions de densité ni, de vitesse vi sur une cible de densité nc, le nombre de réactions par unité de surface(dS) et de temps(dt) vaut :
#réactions = nivnσ dSdt
  • Les cercles roses représentent les sections efficaces de collision
  • Les grains rouges représentent les sections efficaces de fusion
La différence de taille nous laisse comprendre qu'une réaction de fusion a moins de chance de se produire qu'une simple collision.
Sur le dessin, on voit que la majorité des ions ont été peu ou pas déviés après la traversée de la cible. Cependant, certains ions oranges ont fusionnés avec les noyaux de la cible.
L'importance de la température : La température du plasma joue un rôle clef car elle détermine la taille des sections efficaces. À la température optimale, la probabilité d'avoir des réactions de fusion sera suffisamment grande pour espérer produire plus d'énergie qu'il n'en faut pour chauffer le plasma. En gros, avec une allumette suffisamment grosse on peut allumer un feu avec du bois mouillé.
3. Le critère de Lawson

Dans les années 50, Lawson a énoncé un critère permettant d'évaluer des conditions nécessaires pour qu'un Tokamak produise plus d'énergie qu'il n'en consomme. Pour cela il faut faire un bilan entre la puissance libérée et la puissance perdue. La puissance libérée par fusion est notée Pfus, elle provient de la réaction de fusion entre le Deutérium et le Tritium). Les changements de direction des électrons lors des collisions avec les ions rayonnent une puissance moyenne appelée Pbr (Bremsstrahlung). Enfin les autres pertes seront notées W/τ, ou τ représente le temps caractéristique pendant lequel un Tokamak dissipe une énergie W après un arrêt brutal.
La puissance totale dégagée par le plasma est donc Ptot = Pfus Pbr + W/τ  (en rouge les pertes).
On réinjecte une fraction η de cette puissance totale pour compenser les pertes :
 Pbr + W/τ = η Ptot

(1-η) [Pbr + W/τ] = η Pfus

τ = W / [η/(1-η) Pfus - Pbr]
nτ = 12eT / [η/(1-η) <σv> eQT - 6.10-38T1/2]
On peut finalement évaluer la grandeur nτ qui permet d'apprécier la performance du Tokamak. En effet, plus la densité n est grande plus il y aura de réactions de fusion et d'énergie dégagée. Plus le temps de confinement τ est grand, moins les pertes sont importantes. Ainsi en maximisant nτ on maximise la production de puissance. C'est pourquoi le rapport nτ permet d'apprécier l'évolution des Tokamak expérimentaux.
4. Le chauffage
Il y a plusieurs façons de faire chauffer un plasma : par chauffage ohmique ou par interaction avec des ondes.
Le chauffage ohmique nécessite de faire passer un courant électrique dans le plasma. Pour celà, on applique un champs magnétique vertical au centre du tore (beignet). La force de Lorentz entraîne les électrons et crée un courant. Cependant, lorsque le plasma dépasse une certaine chaleur, il devient un excellent conducteur et ne résiste plus. Le chauffage ohmique n'est utile qu'au démarrage.

Le chauffage par résonance intervient lorsque le chauffage ohmique est insuffisant. Pour cela, on envoie des ondes dans le plasma qui vont interagir avec certaines particules en leur transmettant de la chaleur.

Le chauffage par injection de particules rapides est un procédé utilisé pour chauffer un plasma chaud. Les particules rapides vont entrer en collision dans le plasma transformant l'énergie cinétique en chaleur.


5. Le confinement magnétique
Il s'agit de la caractéristique fondamentale du Tokamak. De par sa forme et sa simplicité, le Tokamak a offert, dans les années 50, une solution novatrice permettant d'atteindre des températures supérieures à la concurrence. C'est ainsi qu'il s'est imposé au détriment d'autres solutions qui ont alors été laissées de côté.
Pour confiner le plasma, ont utilise le fait que les particules (ions et électrons) sont chargées. Ainsi en présence d'un champs magnétique, ces particules vont s'enrouler autours des lignes de champs.
Des bobines supra-conductrices sont disposées autours du Tokamak pour générer un champs magnétique de confinement.
En bleu la direction toroïdale et en rouge la direction poloïdale (Wikipedia)
Il existe des lignes de champs orientées suivant la flèche bleu (Toroidale) et des lignes de champs orientées suivant la flèche rouge (Poloidale). Leur superposition donne des lignes de champs hélicoïdales. Ainsi les particules piégées se déplacent sur les surfaces de champs magnétiques (orange).
On parle souvent du facteur de sécurité. Il permet d'apprécier le nombre de tour que doit faire une particule dans la direction rouge pour faire un tour dans la direction bleu. C'est un critère de stabilité MHD permetant de dire si une configuration plasma est stable.
6. Iter et les dimensions
Comme on vient de le voir, le plasma d'un Tokamak doit être chauffé de manière suffisante pour permettre les réactions de fusion. En même temps, il faut confiner ce plasma dans un piège magnétique. Ainsi, si le plasma est suffisamment chauffé et confiné, le critère de Lawson sera atteint et la machine pourra produire un surplus d'énergie.
ITER devrait permettre de dépasser la barrière de la taille qui a été mise en évidence via le projet JET. En effet, le temps de confinement d'un Tokamak dépend entre autre de sa taille, ainsi en augmentant cette taille on peut obtenir un plasma plus stable qui confine mieux. Cet amélioration de la performance devrait permettre de produire 10 fois plus de puissance de fusion que la puissance utilisée pour chauffer le plasma.
On parle du facteur Q=Pout/Paux. En effet, pour envisager une production d'énergie à l'échelle industrielle, il faut avoir un facteur Q>>1. Par exemple, dans votre cheminée, une fois le feu allumé Q=∞ car le bois brûle tout seul. Par contre dans un Tokamak, il faut constamment le chauffer (voir partie 4.). Un des objectifs d'ITER est d'obtenir 500MW de puissance en sortie pour seulement 50MW de chauffage. Ce qui correspond à Q=10.
7. Références
 

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