03/04/2017

81% des Français qui pensent que leur niveau de vie a baissé


atlantico.fr

Une époque pas du tout formidable : les 5 graphiques qui montrent que les 81% des Français qui pensent que leur niveau de vie a baissé sont loin de se faire des idées fausses

Le 30 mars dernier, Ipsos Sopra Steria publiait un sondage relatant le sentiment des Français concernant leur pouvoir d'achat : "81% des Français estiment que leur pouvoir d’achat a baissé au cours des dernières années, dont 45% qui estiment qu’il a beaucoup baissé. Ce sentiment est majoritaire au sein de toutes les catégories de population, et particulièrement fort chez les retraités (88%). Il touche toutes les catégories de revenus et toutes les sensibilités politiques (82% des sympathisants de gauche et 85% des sympathisants de droite)." La perception du "ça va mieux" ne s'est donc pas propagée à la population, mais la question consiste à vérifier si cette "estimation" au doigt levé correspond à une réalité, ou si, comme cela est souvent affirmé, les Français sont de pénibles pessimistes.


Selon les données fournies par l'Insee relatant le niveau de vie des Français, en fonction des différentes catégories de revenus, il apparaît que le défaitisme traduit une réalité. Depuis la survenance de la crise de 2008, le niveau de vie de l'ensemble des déciles est à la baisse, la palme allant aux plus pauvres d'entre eux, puisque ces derniers ont vu leur niveau de vie baisser de près de 9% au cours de cette période. La baisse du niveau de vie des deux déciles supérieurs étant principalement la conséquence de la hausse de la fiscalité du début du quinquennat Hollande.  

Le résultat global, c'est que le niveau de vie a baissé pour tous, mais plutôt plus pour les pauvres et plutôt moins pour les autres.
  
Évolution des niveaux de vie moyens par décile. France. 2008-2014. Source Insee
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Et si l'évolution du niveau de vie des Français a été aussi médiocre au cours de ces dernières années, la cause est évidente ; c'est l'incapacité de l'économie française à retrouver la croissance pendant ces huit dernières années qui a totalement transformé le profil économique du pays. Alors que le PIB par habitant progressait sur un rythme honorable d'environ 1.7% par an entre 1982 et 2008, il a parfaitement stagné depuis lors :

PIB par habitant. 1982-2015 comparé au PIB par habitant sur la base de la tendance 1982-2008.
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Et l'écart entre le PIB par habitant actuel et celui que les Français auraient pu "attendre" en 2016, c’est-à-dire en suivant le rythme de progression qu'il avait connu au cours des vingt-cinq années qui séparent 1982 et 2007, atteint aujourd'hui 15%. Chaque Français "théorique" moyen aurait pu être 15% plus riche qu'il ne l'est aujourd'hui si le tendance précédente s'était maintenue.
Pour se faire une idée du traumatisme, c’est-à-dire du décalage existant entre ce que la population française avait pu vivre avant la crise et ce qu'elle a connu après, il suffit de prendre en considération les évolutions du PIB sur longue période. En l'occurence, sur une période de huit ans, pour mettre en exergue le choc de ces dernières années.

Croissance du PIB en volume sur périodes de 8 années 1983-2016. En %. et moyenne constatée entre 1983 et 2008 (noir)
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Pour les 100 trimestres compris entre le début de l'année 1983 et la fin de l'année 2007, le PIB a progressé, en moyenne, de 21.60% par périodes de huit ans. Depuis 2008, cette moyenne a été plus que divisée par deux, pour aller jusqu'à s'effondrer à 4.47% à la fin de l'année 2016, soit une division par 5 du taux de croissance sur la période 2008-2016. Il ne s'agit donc pas uniquement d'une érosion progressive sur les trente dernières années, mais bien d'une démolition totale sur une période courte, conséquence intégrale de la crise de 2008, et de l'incapacité, française comme européenne, de trouver une issue à cette crise. Il s'agit d'une transformation profonde et radicale de l'économie du pays. Les discours politiques semblent encore être construits sur une forme de continuité depuis plusieurs décennies, comme si les problèmes constatés il y a dix ans pouvaient encore être comparés à ceux de la France actuelle. Mais ils ratent alors l'essentiel. La crise de 2008 a véritablement démoli la croissance du pays. La fracture est franche, nette, c'est un nouveau monde qui est apparu.

Si plus de 80% des Français estiment que leur pouvoir d'achat a baissé au cours de ces dernières années, ce n'est pas en raison d'un prétendu pessimisme congénital de la population, mais bien parce que la crise de 2008 a totalement écrasé l'économie française.

Destruction massive

Il est encore possible de se référer à l'évolution du revenu disponible brut (ce que les Français perçoivent), en euros courants (c’est-à-dire en incluant l'inflation), toujours sur une période totale de 8 ans. Entre l'année 1999 (naissance de l'euro) et l'année 2008, la croissance du revenu progressait de plus en plus vite, passant de 32% à 45% (toujours en incluant la hausse des prix et en prenant en compte 8 années d'évolution), et soudainement, cette tendance favorable s'est brisée, pour en arriver à voir la progression du revenu disponible total rapidement s'écraser à son niveau actuel. Cette croissance a été divisée par 3 en 8 années.

Évolution en % du Revenu Disponible brut, sur 8 ans (données trimestrielles) INSEE.
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Et entre la stagnation du PIB par habitant et la baisse des niveaux de vie, il n'y avait évidemment pas grand-chose à espérer sur le front de la pauvreté. Depuis 2008, le nombre de pauvres à 50% du revenu médian (qui progresse pourtant de moins en moins vite) a augmenté de plus de 18%, pour atteindre plus de 5 millions de personnes.
Nombre de pauvres à 50% du revenu médian. France. INSEE.
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Alors évidemment, il faut trouver une raison, une cause à ce déclin. Mais là encore, les responsables politiques ne font que ressortir des tiroirs les éternelles recettes datant d'avant crise, c’est-à-dire totalement hors de propos avec un fait pourtant totalement nouveau, et d'une profondeur sans précédent. Pour trouver cette réponse, il est par exemple possible de se référer à la recherche économique, et notamment à un rapport datant de juin 2016, intitulé Les origines monétaires de la crise de la zone euro publié pour le Mercatus Center de la George Mason University, par le professeur d'économie David Beckworth :

"La crise de la zone euro représente l'une des plus grandes tragédies économiques du siècle passé. Cela a causé des souffrances humaines immenses, qui se poursuivent à ce jour. La vue standard attribue la crise à une accumulation plus ancienne de dettes publiques et privées qui a été augmentée par l'imposition de l'austérité pendant la crise. Bien que des preuves existent d'une relation entre (a) l'accumulation de la dette et les mesures d'austérité et (b) la croissance économique pendant la crise, cette même preuve, lors d'un examen plus approfondi, pointe la responsabilité de la politique monétaire de la zone euro comme le véritable coupable du déclin marqué de l'activité économique. En particulier, il semble que le resserrement de la politique monétaire de la BCE en 2008, puis une nouvelle fois en 2010-2011, a non seulement provoqué deux récessions, mais a aussi provoqué la crise de la dette souveraine – ce qui a donné naissance aux programmes d'austérité. Ces résultats indiquent la nécessité d'un nouveau régime de politique monétaire dans la zone euro"
Ce qui veut dire qu'apparemment, entre les candidats qui veulent sortir de la zone euro, tout remettre en cause, et ceux qui ne veulent rien y changer, tout le monde a bien l'air d'être complètement à côté de la plaque. 

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann est responsable du pôle Economie pour Atlantico.fr.

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