La tension a sensiblement augmenté dans la campagne ces derniers jours. Et les questions fondamentales, comme la mondialisation, l'Union européenne et sa monnaie, sont désormais au coeur du débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen , notamment depuis leur venue au chevet de l'usine Whirlpool à Amiens , dont l'activité doit être délocalisée en Pologne. Marine Le Pen dénonce la « mondialisation sauvage » et propose des solutions radicales, en matière de protectionnisme et de politique européenne. Les deux candidats défendent deux positions totalement opposées sur ces questions. 


Mais depuis quelques jours, sur la sortie de l'euro , la candidate du FN louvoie de plus en plus et semble mettre de l'eau dans son vin. On la comprend : seuls 28% des Français sont prêts à revenir au franc, selon un sondage réalisé par Elabe pour « Les Echos » de début mars. Mardi, sur TF1, la candidate du Front national a expliqué avoir « entendu les inquiétudes » des Français. Elle a rappelé son intention de demander leur avis aux Français via un référendum. « Je prends l'engagement de respecter leur vote », a-t-elle promis. Elle a même déclaré ce jour-là ne pas être « une adversaire de l'Europe. Je me sens européenne », a-t-elle ajouté. L'objectif est clair  : rassurer les Français.

« Une négociation qui pourraient « durer deux ans »

Marion Maréchal-Le Pen tente elle aussi d'adoucir le discours. « Nous avons entendu l'inquiétude des Français sur la sortie de l'euro. C'est pour cela que je dis aux Français que nous ne ferons rien sans eux », a-t-elle affirmé ce jeudi sur RTL. L'élue du Vaucluse va plus loin en parlant d'une négociation avec les partenaires européens qui pourrait « durer deux ans dans le meilleur des cas ». Le FN ne mentionnait que six mois auparavant. « On reviendra ensuite devant les Français, ils ne seront pas mis devant le fait accompli », a ajouté celle qui n'a jamais été favorable à la mise en avant de la sortie de l'euro dans le programme.

Même Florian Philippot, le plus ardent défenseur de la sortie de l'euro, évite désormais de le proclamer aussi nettement. « On veut une Europe mais pas celle qui empêche d'agir », a-t-il avancé jeudi sur France Inter.

« Un repoussoir immense »

Cette tentation de polir les aspérités du projet du FN n'est pas sans poser quelques problèmes. « Cela fait quelques semaines qu'elle est tiraillée sur cette question européenne. Son programme ne tient que par le retour des frontières et donc une sortie de l'Europe, et en même temps ce parti pris constitue un repoussoir immense notamment vis-à-vis de l'électorat âgé », pointe Chloé Morin, directrice de l'Observatoire de l'opinion à la Fondation Jean Jaurès. 

Marine Le Pen l'a plusieurs fois admis durant cette campagne  : la sortie de l'Union européenne est le pilier de son projet. Sans elle, tout s'effondre. Début mars, au cours d'un petit déjeuner avec des chefs d'entreprises, elle n'en avait pas fait mystère : « Si je ne sors pas de l'UE, je ne peux pas mettre en oeuvre 70 % de mon programme ». Pas de taxe sur les importations, pas d'expulsion d'immigrés intra-européens et pas de préférence nationale.

Un cruel dilemme

Pour la candidate d'extrême-droite, c'est un cruel dilemme. Sa radicalité et ses propos anti-européens lui ont permis d'atteindre son score au premier tour . Mais en même temps, ils ont été son boulet. D'abord parce que la candidate aurait probablement attiré plus de vote au premier tour sans cette rhétorique anti-euro. Ensuite parce qu'au second tour, ils sont un sérieux frein pour séduire de nouveaux électeurs. Les Français comptent parmi les plus gros épargnants d'Europe et, craignant une dévaluation de leur patrimoine, ils sont massivement opposés à une sortie de l'euro. Marine Le Pen doit donc les rassurer sur ce sujet.

Mais sans sortie de l'Union européenne - et donc de l'euro -, le programme de rupture complète de la candidate n'est pas crédible. Avec, il est dangereux et les Français le savent. C'est l'équation impossible de Marine Le Pen au second tour.