02/10/2015

Philippe Aghion l’anti-Piketty veut réveiller le Collège de France



Deux Nobel d’économie, le Français Jean Tirole et l’Américain Edmund Phelps, l’ancien ministre Hubert Védrine, le maire de Lyon Gérard Collomb… Philippe Aghion n’est pas peu fier d’égrener la liste de ses invités à la « leçon inaugurale » au Collège de France qu’il donne, ce 1er octobre, sur « les énigmes de la croissance ». Et si François Hollande a décliné son invitation, il lui a envoyé une longue lettre de félicitations.

Après quinze ans à Harvard, l’économiste signe son grand retour dans l’Hexagone au poste prestigieux de titulaire de la chaire d’économie de cette vénérable institution, créée en 1530. « Je viens ici pour partager l’aventure intellectuelle vécue en essayant d’établir une nouvelle théorie de la croissance », avance le professeur Aghion avec flamme, se levant brusquement comme pour donner un cours magistral. « Je vais créer un centre de recherche sur l’innovation, qui va sans cesse soumettre la théorie à l’épreuve des chiffres. Cet aller-retour permanent entre la théorie et l’analyse empirique est la meilleure façon de se prémunir contre l’idéologie », lance-t-il.
Philippe Aghion, donc, redevient professeur. Le conseiller du prince, c’est fini. Lors de la dernière présidentielle, il avait piloté le groupe d’experts La Rotonde, chargé d’alimenter le programme de François Hollande. Trois ans plus tard, cet économiste de 58 ans ne cache pas sa grande déception. « On ne nous a pas -beaucoup écoutés », résume-t-il. Les grandes réformes du marché du travail, de la fiscalité et de l’Etat, qu’il a détaillées dans un livre fondateur – Changer de modèle, avec Elie -Cohen et Gilbert Cette (éd. Odile Jacob) –, sont restées lettre morte. Alors Philippe Aghion prend du champ, y compris avec Emmanuel Macron, ce jeune énarque qu’il a « formé », -notamment au sein de la Commission Attali, en 2008. « Ses idées font bouger les lignes. Mais il lui reste moins de deux ans pour faire les réformes », regrette-t-il. Social--libéral assumé, il ne mise pas un kopeck sur la gauche réformiste qui risque d’être écartée du pouvoir pour longtemps, après 2017.

Dénoncer les idées fausses

Philippe Aghion préfère se focaliser sur le Collège de France, d’où il veut diffuser sa nouvelle théorie et dénoncer les idées fausses. Dans sa ligne de mire : l’économiste Thomas Piketty, qui a connu un succès planétaire avec Le Capital au xxie siècle, où il dénonce l’explosion des inégalités dans le monde. Pour Aghion, Piketty a tort : « C’est certain, la part du 1 % des plus riches dans les revenus a fortement augmenté. Mais il y a les mauvaises et les moins mauvaises raisons. Les mauvaises, ce sont les rentes et la spéculation. Les moins mauvaises sont liées à l’innovation, car l’innovation a des vertus : elle alimente la croissance et accélère la mobilité sociale. » Le modèle auquel se réfère Philippe Aghion : la Suède. La part des revenus captée par les plus aisés y a fortement augmenté, mais la mobilité sociale – la probabilité pour un individu d’origine modeste d’accéder à l’échelon supérieur des revenus – s’est accrue. « L’homme le plus riche est l’inventeur de Skype qui était inconnu il y a quinze ans », rappelle-t-il. Résultat : les inégalités, mesurées par le coefficient de Gini, n’ont pas bougé. En juillet, l’ancien professeur de -Harvard a exposé cette approche à Christine Lagarde, la directrice du Fonds monétaire international (FMI), et à ses experts, qui se seraient montrés « très intéressés ».

Créer la vitrine de l’innovation

Même s’il s’en défend, Philippe Aghion a très mal vécu la Piketty-mania sur « une théorie qui n’est pas testée ». Surtout, il n’a pas supporté que son jeune rival ait voulu obtenir lui aussi une chaire au Collège de France il y a un an. Fou de rage, il avait alors poussé les membres de l’institution à trancher et mobilisé les « meilleures recommandations » pour finalement décrocher, seul, le poste.
Qu’en fera-t-il ? Contrairement à Roger Guesnerie, son prédécesseur, demeuré très académique, Philippe Aghion veut transformer cette chaire en « vitrine de l’innovation, pour la disséminer dans la société, notamment auprès des jeunes ». Au programme : des séminaires, des conférences dans les lycées et de nombreux projets, avec les chercheurs de l’Insee et de la Banque de France, sur les liens entre fiscalité et innovation, ou l’impact de la création du statut d’autoentrepreneur.
L’ancien conseiller de François -Hollande, qui a vécu avec les gros moyens du département d’économie de Harvard, compte sur les grands groupes français pour bénéficier d’un soutien financier aussi important. « Nous voulons associer des chercheurs, des dirigeants d’entreprise, des Français de la Silicon Valley ou de Boston… », promet-il, avant de lancer un appel aux dons. Avec son approche « positive » des inégalités, il est convaincu que les patrons vont lui apporter les fonds dont il a besoin.

Source: challenges.fr par Thierry Fabre

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