23/09/2016

Démocratie, le Dieu qui a échoué - Introduction. Par Hans-Hermann Hoppe - Institut Coppet


H. H. HoppeIntroduction à Démocratie, le Dieu qui a échoué, par Hans-Hermann Hoppe
Traduit par Manon Guillotin et Stéphane Geyres, Institut Coppet
Hans-Hermann Hoppe enseigne l’économie à l’Université du Nevada, à Las Vegas : hopph@nevada.edu
La Première Guerre mondiale marque un des grands tournants de l’histoire moderne. Avec sa fin fut achevée la transformation de tout le monde occidental, du régime monarchique avec ses rois souverains, au régime démocratico-républicain avec ses peuples souverains, qui débuta avec la Révolution Française. Jusqu’en 1914, seules trois républiques avaient existé en Europe : la France, la Suisse et le Portugal depuis 1911 (NdT : Il faut ajouter la Corse en 1735, mais intégrée à la France depuis 1768). De toutes les monarchies européennes, seul le Royaume Uni pouvait être classé comme un système parlementaire, c’est-à-dire où le pouvoir suprême est confié à un parlement élu. Quatre ans suffisent, une fois les États-Unis entrés dans la guerre européenne, pour en décider du sort, pour que les monarchies aient carrément disparu et que l’Europe comme le Monde entier entrent dans l’âge du républicanisme démocratique.

En Europe, les Romanov, Hohenzollern et Habsbourg, militairement vaincus, durent abdiquer ou renoncer et la Russie, l’Allemagne et l’Autriche devinrent des républiques démocratiques à suffrage universel – hommes et femmes – et gouvernements parlementaires. De même, tous les états héritiers nouvellement créés adoptèrent des constitutions républicaines démocratiques, à la seule exception de la Yougoslavie. En Turquie et en Grèce, les monarchies furent renversées. Et même là où les monarchies restèrent officiellement en existence, comme en Grande-Bretagne, Italie, Espagne, Belgique et dans les pays Scandinaves, les monarques n’exerçaient plus aucun pouvoir étatique. Le suffrage universel des adultes fut introduit et l’ensemble du pouvoir étatique fut confié à des parlements et des agents « publics ».
La transformation historique mondiale, passant de l’ancien régime des dirigeants royaux ou princiers au nouvel âge démocratique-républicain des dirigeants élus ou choisis par le peuple, peut également être caractérisée comme celle allant de l’Autriche et de la méthode autrichienne à celle de l’Amérique et de la méthode américaine. Cela est vrai pour plusieurs raisons. La première, c’est que l’Autriche lança la guerre et l’Amérique y mit fin. L’Autriche perdit et l’Amérique gagna. L’Autriche était sous la coupe d’un monarque – l’Empereur Franz Joseph – et l’Amérique sous la coupe d’un Président élu démocratiquement – le Professeur Woodrow Wilson. Plus important cependant, la Première Guerre mondiale ne fut pas une guerre traditionnelle, combattue pour des objectifs territoriaux limités, mais une guerre idéologique ; et l’Autriche comme l’Amérique furent respectivement (et elles furent perçues comme telles par les autres belligérants) les deux pays qui incarnèrent le plus clairement les idées entrant en conflit. [1]
La Première Guerre mondiale commença comme un conflit territorial traditionnel. Cependant, avec l’engagement précoce et l’entrée officielle définitive des États-Unis dans la guerre en avril 1917, la guerre prit une nouvelle dimension idéologique. Les États-Unis avaient été fondés en tant que république, et le principe démocratique, inhérent à l’idée de république, venait tout juste d’être porté à la victoire suite à la violente défaite et à l’anéantissement de la Confédération sécessionniste par le régime centraliste de l’Union. À l’époque de la Première Guerre mondiale, cette idéologie triomphante d’un républicanisme démocratique expansionniste avait trouvé son incarnation même dans la personne du Président américain d’alors, Wilson. Sous le gouvernement Wilson, la guerre européenne devint une mission idéologique – rendre le monde sûr pour la démocratie et le libérer des dirigeants dynastiques. Wilson fut fou de joie quand, en mars 1917, le Tsar Nicholas II, allié des États-Unis, fut forcé d’abdiquer et qu’un nouveau gouvernement démocratique-républicain fut établi en Russie sous Kerenski. Le Tsar parti, la guerre était finalement devenue un conflit purement idéologique : celui du bien contre le mal. Wilson et ses conseillers en politique étrangère les plus proches, George D. Herron et le Colonel House, n’aimaient guère l’Allemagne du Kaiser, l’aristocratie et l’élite militaire. Et ils haïssaient l’Autriche. Comme l’a caractérisé Erik von Kuehnelt-Leddihn, pour l’opinion de Wilson et de la gauche américaine :
« L’Autriche était bien plus malsaine que l’Allemagne. Elle perdurait en contradiction avec le principe Mazzinien de l’État national, avait hérité de beaucoup de traditions ainsi que de symboles du Saint Empire Romain (l’aigle à deux têtes, les couleurs noires et or, etc.) ; sa dynastie avait autrefois régné sur l’Espagne (une autre bête noire) ; elle avait mené la Contre-Réforme, avaient mené la Sainte-Alliance, combattu le Risorgimento, supprimé la rébellion magyare sous Kossuth (qui avait un monument à New York) et avait soutenu moralement l’expérience monarchique au Mexique. Habsbourg – le nom seul évoquait le souvenir du catholicisme romain, de l’Armada, de l’Inquisition, de Metternich, de Lafayette, emprisonné à Olmuetz et de Silvio Pellico, emprisonné dans la forteresse de Spielberg à Brno. Un tel État devait être brisé, une telle dynastie devait disparaître. » [2]
En tant que conflit de nature toujours plus idéologique, la guerre dégénéra vite en une guerre totale. Partout, l’économie nationale toute entière fut militarisée (le socialisme de guerre), [3] et la distinction longtemps consacrée entre combattants et non-combattants et entre vie militaire et vie civile fut mise de côté. Pour cette raison, la Première Guerre mondiale conduisit à bien plus de pertes civiles – victimes de famines et de maladies – que de soldats tués sur les champs de bataille. De plus, du fait de sa nature idéologique, à la fin de la guerre, seules la capitulation totale, l’humiliation et la sanction étaient possibles, hors de tout compromis de paix. L’Allemagne dut renoncer à sa monarchie et l’Alsace-Lorraine fut rendue à la France comme avant la guerre franco-prussienne de 1870-71. La nouvelle république allemande était accablée de lourdes réparations de long terme. L’Allemagne fut démilitarisée, la Sarre fut occupée par la France et les grands territoires de l’Est (la Prusse occidentale et la Silésie) furent cédés à la Pologne. Pourtant, l’Allemagne ne fut pas démantelée ni détruite. Wilson avait réservé ce sort à l’Autriche. Avec la chute des Habsbourg, l’Empire austro-hongrois tout entier fut démantelé. Et comme œuvre suprême de la politique étrangère de Wilson, deux nouveaux États artificiels, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie, furent ciselés à partir de l’ancien Empire. L’Autriche elle-même, durant des siècles une des grandes puissances d’Europe, fut réduite à son maigre fief germanophone ; et, comme autre héritage de Wilson, la minuscule Autriche fut forcée de rendre sa province pleinement allemande du Tyrol du Sud – se prolongeant jusqu’au Col du Brenner – à l’Italie.
Depuis 1918, l’Autriche est rayée de la carte des puissances politiques internationales. À l’inverse, les États-Unis ont émergé comme la puissance dirigeante mondiale. L’âge américain – la Pax Americana – venait de commencer. Le principe du républicanisme démocratique avait triomphé. Il allait triompher encore avec la fin de la Seconde Guerre mondiale et, une autre fois, semble-t-il du moins, avec l’effondrement de l’Empire soviétique, à la fin des années 80 et au début des années 90. Pour certains observateurs contemporains, « la Fin de l’Histoire » était arrivée. L’idée américaine de la démocratie universelle et mondiale s’est finalement imposée. [4]
Pendant ce temps, l’Autriche des Habsbourg et l’expérience prototypique pré-démocratique de l’Autriche ne supposait rien d’autre qu’un intérêt historique. Assurément, ce n’est pas que l’Autriche n’ait obtenu aucune reconnaissance. Même les intellectuels démocrates et les artistes de tout domaine d’activité intellectuelle et culturelle ne pouvaient ignorer l’énorme niveau de productivité austro-hongrois et en particulier la culture viennoise. En effet, la liste des grands noms associés à la Vienne de la fin du XIXe et du début du XXe siècle est comme infinie. [5] Pourtant, cette énorme productivité intellectuelle et culturelle a rarement été mise en lien systématique avec la tradition pré-démocratique de la monarchie des Habsbourg. Au contraire, sans qu’on l’ait considérée une simple coïncidence, la productivité de la culture autricho-viennoise a été « politiquement correctement » présentée comme preuve des effets synergiques positifs d’une société multi-ethnique et du multiculturalisme. [6]
Pourtant, à la fin du XXe siècle, les preuves s’accumulent que, loin de marquer la fin de l’histoire, le système américain est lui-même dans une profonde crise. Depuis la fin des années 60 ou le début des années 70, les salaires réels aux États-Unis et en Europe occidentale ont stagné ou même chuté. En Europe occidentale notamment, le taux de chômage a crû sans interruption et dépasse actuellement les 10%. La dette publique a partout atteint des sommets astronomiques, excédant même dans de nombreux cas le Produit Intérieur Brut annuel du pays. De même, les systèmes de sécurité sociale sont partout en faillite ou prêts de l’être. De plus, l’effondrement de l’Empire soviétique n’a pas tant représenté un triomphe de la démocratie qu’une faillite de l’idée de socialisme, qui portait aussi une dénonciation du système américain (occidental) de socialisme démocratique – plutôt que dictatorial. De plus, partout dans l’hémisphère occidental, des dissensions nationales, ethniques et culturelles, le séparatisme et le sécessionnisme montent. Les créations démocratiques multiculturelles de Wilson, la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie, ont éclaté. Aux États-Unis, moins d’un siècle de démocratie pur jus a donné une dégénérescence morale en hausse constante, une désintégration familiale et sociale, et une décadence culturelle sous la forme d’une hausse continue des taux de divorce, d’illégitimité, d’avortement et de criminalité. Comme résultat d’une liste toujours plus longue de non-discriminations – « actions positives » – de lois et politiques d’immigration non discriminatoires – multiculturelles-égalitaires – tous les coins et recoins de la société américaine sont affectés par l’intégration forcée, et, en conséquence, les conflits sociaux, la tension et l’hostilité raciale, ethnique, morale et culturelle ont augmenté de façon spectaculaire.
À la lumière de ces expériences de désillusion, des doutes fondamentaux quant aux vertus du système américain refirent surface. Que se serait-il passé, se redemandait-on, si selon sa promesse de réélection, Woodrow Wilson avait laissé les États-Unis en dehors de la Première Guerre mondiale ? En vertu de sa nature hypothétique, la réponse à une telle question ne peut jamais être empiriquement confirmée ou réfutée. Pour autant, cela ne rend pas la question absurde ni la réponse arbitraire. Au contraire, sur la base de la compréhension des événements historiques réels et des personnalités impliquées, on peut répondre, en détail et avec beaucoup de confiance, à la question sur l’alternative la plus probable du cours de l’histoire. [7]
Si les États-Unis avaient suivi une politique étrangère strictement non interventionniste, il est probable que le conflit intra-européen se serait terminé fin 1916 ou début 1917, suite à plusieurs initiatives de paix, notamment par l’Empereur d’Autriche Charles 1er. De plus, la guerre se serait conclue par une paix de compromis mutuellement acceptable et sauvant l’honneur, plutôt que par ce vrai diktat. Par conséquent, l’Autriche-Hongrie, l’Allemagne et la Russie seraient restées des monarchies traditionnelles au lieu d’être transformées en républiques démocratiques sans lendemain. Avec un tsar russe et des Empereurs allemand et autrichien en place, il aurait été presque impossible aux bolcheviks de s’emparer du pouvoir en Russie. Et de même, en réaction à une menace communiste croissante en Europe occidentale, les fascistes et les nationaux-socialistes n’auraient pu s’imposer en Italie et en Allemagne. [8] Les millions de victimes du communisme, du national-socialisme et de la Seconde Guerre mondiale auraient été sauvées. L’étendue du contrôle et de l’intrusion de l’État dans l’économie privée aux États-Unis et en Europe occidentale n’aurait jamais atteint les sommets connus aujourd’hui. Au lieu que l’Europe centrale et orientale (et par conséquent la moitié du globe) tombe entre des mains communistes ; au lieu d’être durant plus de quarante ans l’objet de pillage, de ravage et d’isolation forcée des marchés occidentaux, toute l’Europe (et le monde entier) serait restée intégrée économiquement (comme au XIXe siècle) à un système mondial de division du travail et de coopération. Les niveaux de vie mondiaux auraient augmenté immensément plus que ce que nous avons connu..
Contrairement à l’histoire « officielle », toujours écrite par les vainqueurs, ici du point de vue des partisans de la démocratie, face au contexte de cet essai intellectuel et le cours réel des événements, le système américain et la Pax Americana semblent n’être qu’un désastre absolu ; et l’Autriche des Habsbourg de l’âge pré-démocratique apparaît des plus attrayantes. [9] Certes, ensuite, il serait d’intérêt de porter un regard rigoureux à la transformation historique de la monarchie en démocratie.
Bien que l’histoire y joue un rôle important, ce qui suit n’est pas l’œuvre d’un historien mais d’un économiste et philosophe, cependant. Aucune donnée présentée n’est nouvelle ou inconnue. Néanmoins, si une originalité doit être affirmée, c’est que les travaux suivants reposent sur des interprétations nouvelles et inhabituelles de faits généralement connus et acceptés ; de plus, c’est l’interprétation des faits, plus que les faits eux-mêmes, qui est l’obsession centrale du scientifique et l’objet de la plupart des disputes et des débats. On peut, par exemple, vite tomber d’accord sur le fait qu’en Amérique au XIXe siècle, le niveau de vie moyen, la fiscalité et la réglementation économique étaient relativement bas, là où au XXe siècle, le niveau de vie, les impôts et la réglementation étaient élevés. Cependant, le niveau de vie au XXe siècle était-il plus élevé en raison de la hausse des taxes et des réglementations ou malgré la hausse des taxes et des réglementations ? C’est-à-dire, le niveau de vie serait-il encore plus élevé si les taxes et les réglementations étaient restées aussi basses qu’elles l’étaient au cours du XIXe siècle ? De même, il est facile de s’accorder à dire que les prestations sociales et le taux de criminalité furent bas dans les années 50 et qu’ils sont désormais tous deux relativement élevés. Pourtant, la criminalité augmenta-t-elle à cause de la hausse des prestations sociales ou malgré elle ? Ou alors la criminalité et les prestations n’ont-elles aucun lien et la relation entre ces deux phénomènes est-elle pure coïncidence ? Les faits ne donnent aucune réponse à ces questions, et aucune suite de manipulations statistiques des données ne peut espérer changer cela. Les données de l’histoire sont logiquement compatibles avec chacune de ces interprétations rivales, et les historiens, tant qu’ils ne sont qu’historiens, n’ont aucun moyen de trancher en faveur de l’une ou de l’autre.
Faire un choix rationnel entre ces interprétations rivales et incompatibles n’est possible qu’avec une théorie à sa disposition, ou au moins une proposition théorique, dont la validité ne dépend pas de l’expérience historique mais peut être établie a priori, c’est-à-dire une fois pour toutes grâce à l’appropriation intellectuelle ou à la compréhension de la nature des choses. Dans certains milieux, ce genre de théorie est tenue en piètre estime et certains philosophes, surtout ceux de la variété empiriste-positiviste, ont déclaré toute théorie semblable comme hors-limites, voire impossible. Il ne s’agit pas d’un traité philosophique consacré à une discussion sur des questions d’épistémologie et d’ontologie. Ici et dans ce qui suit, je ne souhaite pas directement réfuter la thèse empiriste-positiviste selon laquelle il ne peut exister de théorie a priori, c’est-à-dire des propositions qui affirment quelque chose sur la réalité et qui peuvent être validées indépendamment du résultat de toute expérience future. [10] Il est néanmoins approprié de reconnaître dès le départ que je considère cette thèse comme fondamentalement erronée et rigoureusement réfutée. Et de même pour l’ensemble du programme de recherche empiriste-positiviste, qui peut être interprété comme le résultat de l’application des principes (égalitaires) de la démocratie au domaine de la connaissance et de la recherche et qui donc a régné idéologiquement durant l’essentiel du XXe siècle. [11] Ici, il suffit de présenter quelques exemples de ce qu’on entend par théorie a priori – et, en particulier, de donner de tels exemples tirés du domaine des sciences sociales – afin de calmer toute éventuelle suspicion et de prôner mon approche théorique comme intuitivement plausible et conforme au bon sens [12].
Ce que j’entends par théorie a priori, c’est par exemple : Aucun élément matériel ne peut être à deux endroits à la fois. Deux objets ne peuvent occuper la même place. La ligne droite est la plus courte entre deux points. Deux lignes droites ne peuvent entourer un espace. Un objet quelconque entièrement rouge ne peut pas être tout vert (ni tout bleu ou jaune, etc.). Un objet quelconque s’il est coloré a aussi une dimension. Un objet quelconque s’il a une forme a aussi une taille. Si A est une partie de B et B une partie de C, alors A est une partie de C. 4 = 3+1. 6 = 2 (33 – 30). Cela semble invraisemblable, les empiristes doivent dénigrer ces propositions comme de simples conventions linguistico-syntaxiques sans aucun contenu empirique, donc des tautologies « vides ». À l’opposé de cette vue et selon le bon sens, je comprends ces mêmes propositions comme des affirmations de vérités simples mais fondamentales sur la structure de la réalité. Et, toujours en accord avec le bon sens, je jugerais confus quiconque voudrait « tester » ces propositions ou qui ferait état de « faits » contradictoires ou divergents. Une théorie a priori l’emporte sur l’expérience et la corrige (et la logique l’emporte sur l’observation) et non l’inverse.
Plus important, les exemples de théories a priori abondent aussi en sciences sociales, notamment en économie politique et en philosophie : l’action humaine, c’est la poursuite délibérée par un acteur d’objectifs appréciés avec des moyens limités. Nul ne peut délibérément ne pas agir. Chaque action vise à améliorer le bien-être subjectif de l’acteur au-delà de ce qu’il aurait été autrement. Une plus grande quantité d’un bien a plus de valeur qu’une plus petite quantité de ce même bien. Une satisfaction immédiate est préférée à une satisfaction ultérieure. La production doit suivre la consommation. Ce qui est consommé maintenant ne peut plus l’être dans le futur. Si le prix d’un bien baisse, il en sera acheté la même quantité ou une quantité supérieure, plutôt que l’inverse. Des prix fixés en dessous des prix d’équilibre du marché conduiront à des pénuries durables. Sans propriété privée des facteurs de production, on ne peut donner aucun prix auxdits facteurs et sans prix des facteurs, toute comptabilité analytique est impossible. Les taxes sont une imposition sur les producteurs et / ou les propriétaires de richesses qui réduisent la production et / ou la richesse en deçà de ce qu’elle aurait été autrement. Le conflit interpersonnel n’est possible que si et dans la mesure où les biens sont limités. Aucune chose ou partie d’une chose ne peut être détenue exclusivement par plus d’une personne à la fois. La démocratie (loi de la majorité) est incompatible avec la propriété privée (propriété individuelle et règles). Aucune forme de taxation ne peut être uniforme (égale), et toute taxation implique la création de deux classes distinctes et inégales, les contribuables versus les récepteurs-consommateurs d’impôts. La propriété et les titres de propriété sont des entités distinctes, et un accroissement de ces derniers sans accroissement correspondant de la première n’augmente pas la richesse sociale, mais mène à une redistribution de la richesse existante.
Pour un empiriste, de telles propositions doivent être interprétées soit comme n’ayant rien d’empirique, étant de simples conventions de langage, soit des hypothèses testables (NdT au sens de la réfutabilité de Karl Popper) et provisoires. Pour nous, comme pour le bon sens, elles ne sont rien de tout cela. En fait, il nous semble tout à fait malhabile de dépeindre ces propositions comme n’ayant aucun contenu empirique. Manifestement, elles affirment quelque chose sur des objets et d’événements « réels » ! Et il semble de même malhabile de voir ces propositions comme des hypothèses. Les propositions hypothétiques sont communément comprises comme des déclarations telles que celles-ci : Les enfants préfèrent McDonald’s à Burger King. À l’échelle mondiale, le ratio d’achat du bœuf comparé à celui de porc est de 2:1. Les Allemands préfèrent l’Espagne à la Grèce comme destination de vacances. Des études plus longues en école publique conduisent à des salaires plus élevés. Le volume des achats peu avant Noël dépasse celui des achats peu après Noël. Les catholiques votent majoritairement « Démocrate ». Les Japonais épargnent un quart de leur revenu disponible. Les Allemands boivent plus de bière que les Français. Les États-Unis produisent plus d’ordinateurs que tout autre pays. La plupart des habitants des États-Unis sont blancs et d’origine européenne. De telles propositions exigent la collecte de données historiques pour être validées. Et elles doivent être continuellement réévaluées, car les relations affirmées ne sont pas nécessaires (mais « accidentelles ») ; au sens qu’il n’y a rien d’intrinsèquement impossible, d’inconcevable, ni simplement de faux à supposer le contraire de ce qui précède. Par exemple, que les enfants préfèrent Burger King à McDonald’s ou que les Allemands préfèrent la Grèce à l’Espagne, etc. En revanche, ce n’est pas le cas des propositions théoriques citées plus haut. Il apparaît absurde de réfuter ces propositions et d’affirmer, par exemple, qu’une plus petite quantité d’un bien peut être préférée à une plus grande quantité du même bien, que ce qui est consommé aujourd’hui peut également l’être dans le futur, ou qu’on peut aussi faire de la comptabilité analytique sans prix des facteurs ; et quiconque se lance dans la « recherche empirique » et « l’expérimentation » pour déterminer laquelle de ces propositions contradictoires est avérée ou pas, se veut soit un fou, soit un imposteur.
Selon l’approche adoptée ici, les propositions théoriques comme celles citées plus haut sont acceptées comme elles apparaissent : des déclarations sur des faits et des relations nécessaires. Comme telles, elles peuvent être illustrées par des données historiques, mais ces dernières ne peuvent ni les établir ni les réfuter. [13] Au contraire. Même si l’expérience historique est nécessaire pour saisir, au début, un concept théorique, ce concept porte sur des faits et des relations qui dépassent et transcendent logiquement toute expérience historique particulière. Ainsi, une fois qu’un concept théorique a été assimilé, il peut être utilisé comme une norme constante et permanente de « critique ». C’est-à-dire dans le but de corriger, réviser et rejeter ou accepter des rapports ou des interprétations historiques. Par exemple, sur la base de concepts théoriques, il doit être considéré impossible que plus d’impôts et de réglementations puisse causer un niveau de vie plus élevé. Un niveau de vie ne peut être plus élevé que malgré la hausse des taxes et des réglementations. De même, les concepts théoriques peuvent exclure, comme vides de sens, des rapports tels qu’une consommation accrue ayant conduit à une production accrue (croissance économique), que des prix sous l’équilibre du marché (limités) aient entraîné un excédent de marchandises invendues, ou que l’absence de démocratie ait été responsable du dysfonctionnement économique du socialisme. Sous l’angle théorique, seuls plus d’épargne et de capital et / ou de gains de productivité peuvent mener à une production accrue, seuls des prix au-dessus de l’équilibre du marché (garantis) peuvent entraîner des excédents durables et seule l’absence de propriété privée est responsable de la piètre situation économique sous le socialisme. À nouveau, aucune de ces idées ne nécessite plus d’étude empirique ou autre expérimentation. Les étudier ou les expérimenter est un signe de confusion.
Quand j’indiquais plus tôt que ce n’était pas le travail d’un historien mais d’un économiste et d’un philosophe, je ne pensais bien sûr pas que ce soit un inconvénient. Bien au contraire. Comme indiqué, les historiens en tant qu’historiens ne peuvent rationnellement trancher entre les interprétations incompatibles du même jeu de données ou d’une séquence d’événements ; dès lors, il leur est impossible d’apporter des réponses aux questions sociales les plus importantes. Le principal avantage de l’économiste et du philosophe sur le simple historien (et les avantages à tirer de l’étude de l’économie politique et de la philosophie par l’historien) tient à sa connaissance de la pure (a priori) théorie sociale, lui permettant d’éviter des erreurs autrement inévitables d’interprétation des suites de données historiques complexes et de présenter un récit de l’histoire théoriquement corrigé ou « reconstruit » et résolument critique ou « révisionniste ».
À partir des concepts théoriques fondamentaux de l’économie politique et de la philosophie politique (l’éthique), je propose dans le travail qui suit la révision de trois croyances et interprétations centrales – presque mythiques –de l’histoire moderne.
Suivant les leçons théoriques élémentaires quant à la nature de la propriété privée et de la possession versus la propriété « publique » et l’administration, et de celles de l’entreprise versus du gouvernement (ou de l’État), je propose d’abord une révision de l’opinion dominante sur les monarchies héréditaires traditionnelles et je présente à la place une interprétation inhabituellement favorable de la monarchie et de l’expérience monarchique. En bref, le gouvernement monarchique est théoriquement reconstruit commela priorité future gouvernement privé, ce qui à son tour est expliqué par la promotion de la priorité du futur et le souci de la valeur du capital et du calcul économique par les membres du gouvernement. Ensuite, tout aussi peu orthodoxe mais selon le même angle théorique, la démocratie et l’expérience démocratique sont passées sous une lumière atypique et défavorable. Le gouvernement démocratique est reconstruit comme gouvernement de propriété publique, expliqué comme menant à la priorité du présent et au mépris ou à la négligence de la valeur du capital par les membres du gouvernement. Puis, la transition de la monarchie à la démocratie est enfin interprétée comme déclin de la civilisation.
La troisième révision proposée est encore plus fondamentale et non-orthodoxe.
Même si le portrait de la monarchie dressé est plutôt favorable, je ne suis pas un monarchiste et ce qui suit n’est pas une défense de la monarchie. Au contraire, ma position envers la monarchie est la suivante : si l’on doit avoir un État, défini comme un organisme qui exerce un monopole territorial obligatoire sur la décision en dernier ressort (la juridiction) et sur l’imposition, il est économiquement et éthiquement avantageux de choisir la monarchie plutôt que la démocratie. Mais cela laisse sans réponse la question de la nécessité d’un État, c’est-à-dire s’il existe une alternative aux deux, à la monarchie et à la démocratie. À nouveau, l’histoire ne peut pas donner de réponse à cette question. Par définition, il ne peut y avoir d’« expérience » factuelle contraire, ni d’alternative ; tout ce qu’on trouve dans l’histoire moderne, ou du moins en ce qui concerne le monde occidental développé, c’est l’histoire des États et de l’étatisme. Seule encore la théorie peut apporter une réponse, car les propositions théoriques, comme on l’a montré, portent sur des faits et des relations nécessaires ; lesquelles, par conséquent, de même qu’elles peuvent être utilisées pour exclure certains rapports et interprétations historiques faux ou impossibles, peuvent aussi être utilisées pour identifier d’autres choses possibles sur le plan constructif, même si ces choses n’ont jamais été envisagées ou essayées.
Ensuite, en opposition totale avec l’opinion orthodoxe sur la question, la théorie sociale élémentaire montre, et sera décrite comme montrant, qu’aucun État ainsi défini ne peut être légitime au sens économique ou éthique. Au contraire, chaque État, quelle que soit sa constitution, est économiquement et moralement déficient. Tout monopole, y compris celui de la décision en dernier ressort, est « mauvais » du point de vue des consommateurs. Le mot monopole est à prendre dans son sens classique, l’absence d’entrée libre dans une ligne de production donnée : une seule agence, A, peut produire X. Tout monopole est « mauvais » pour les consommateurs parce qu’à l’abri dans sa ligne de production des nouveaux entrants potentiels, le prix du produit sera plus élevé et de moindre qualité qu’autrement. En outre, personne n’accepterait une disposition qui permettrait à un monopole des décisions en dernier ressort, donc du dernier arbitre et du juge de chaque affaire de conflit interpersonnel, de déterminer unilatéralement (sans le consentement de toutes les personnes concernées) le prix qu’il faut payer pour son service. Le pouvoir d’imposer est donc éthiquement inacceptable. En effet, un monopole de la décision en dernier ressort équipé du pouvoir de taxer ne produit pas juste une justice de moindre qualité, mais produit de plus en plus de « mauvais » jugements et agressions. Ainsi, le choix entre la monarchie et la démocratie est un choix entre deux ordres sociaux défectueux. En fait, l’histoire moderne fournit de nombreuses illustrations des défauts économiques et éthiques de tous les États, monarchiques comme démocratiques.
De plus, cette même théorie sociale démontre positivement la possibilité d’un ordre social alternatif libre des défauts économiques et éthiques de la monarchie et de la démocratie (ainsi que de toute autre forme d’État). Le terme adopté ici pour un système social sans monopole ni imposition est « l’ordre naturel ». Les autres noms utilisés ailleurs ou par d’autres pour la même chose incluent « l’anarchie ordonnée », « l’anarchisme de propriété privée », « l’anarcho-capitalisme », « l’auto-gouvernance », « la société de droit privé » et «le capitalisme pur ».
Au-delà de la monarchie et de la démocratie, ce qui suit a rapport avec la « logique » d’un ordre naturel, où chaque ressource limitée est de possession privée, où chaque entreprise est financée par des clients volontaires ou des donateurs privés, et où l’entrée dans toute ligne de production, y compris les services de la justice, de la police et de la défense, est libre. Les erreurs économiques et éthiques de la monarchie sont mises en contraste avec l’ordre naturel. Face au contexte d’un ordre naturel, les erreurs plus grandes encore issues de la démocratie sont clarifiées et la transformation historique de la monarchie vers la démocratie est révélée comme le déclin de la civilisation. Et c’est du fait du statut logique de l’ordre naturel comme réponse théorique au problème fondamental de l’ordre social – comment protéger la liberté, la propriété et la recherche du bonheur – que ce qui suit inclut également une discussion approfondie des questions stratégiques, à savoir des exigences de changement social et notamment la transformation radicale de la démocratie vers l’ordre naturel.
En dépit des interprétations non-orthodoxes et des conclusions données par la suite, les théories et théorèmes utilisés pour ce faire ne sont clairement pas nouveaux ou non-orthodoxes. En effet, si l’on suppose, comme je le fais, que la théorie sociale a priori et ses théorèmes existent, on devrait s’attendre à une connaissance qui soit ancienne et à des progrès théoriques terriblement lents. Cela semble bien être le cas. Dès lors, même si mes conclusions peuvent sembler radicales ou extrêmes, en tant que théoricien, je suis résolument un conservateur. Je m’inscris dans une tradition intellectuelle qui remonte au moins aux scolastiques espagnols du XVIe siècle et qui a fondé son expression moderne la plus claire en l’école d’économie dite autrichienne : la tradition de pure théorie sociale représentée avant tout par Carl Menger, Eugen von Boehm-Bawerk, Ludwig von Mises et Murray N. Rothbard. [14]
Précédemment, j’ai considéré l’Autriche des Habsbourg et les États-Unis d’Amérique comme les pays associés le plus étroitement et respectivement à l’ancien régime monarchique et à la nouvelle ère actuelle démocratique et républicaine. Ici, nous retrouvons l’Autriche des Habsbourg de nouveau et nous découvrons une autre raison pour que les travaux suivants puissent également être appelés « Un point de vue autrichien sur l’ère américaine ». L’école autrichienne d’économie se classe parmi les plus remarquables des nombreuses traditions intellectuelles et artistiques originaires de l’Autriche d’avant la Première guerre mondiale. Une des nombreuses conséquences de la destruction de l’Empire des Habsbourg, cependant, la troisième génération de l’école, menée par Ludwig von Mises, était enracinée en Autriche et sur le continent européen. Avec l’émigration de Mises à New York en 1940, elle fut exportée aux États-Unis d’Amérique. Et c’est en Amérique que la théorie sociale autrichienne a pris ses racines avec grande fermeté, notamment en raison du travail du remarquable disciple américain de Mises, Murray N. Rothbard.
Les travaux suivants sont écrits du point de vue de la théorie sociale autrichienne moderne. Tout au long, l’influence de Ludwig von Mises et encore plus celle de Murray N. Rothbard, est perceptible. Les théorèmes élémentaires d’économie et de philosophie politique, qui sont utilisés ici dans le but de reconstruire l’histoire et de proposer une alternative constructive à la démocratie, ont leur description la plus détaillée dans les ouvrages exposant les principes théoriques de Mises et de Rothbard. [15] En outre, de nombreux sujets abordés dans ce qui suit ont également été traités dans leurs nombreux travaux appliqués. Enfin, les travaux suivants partagent avec Mises et spécialement Rothbard une ferme, fondamentale position anti-étatiste, pro-propriété privée et pro-libre entreprise.
Malgré cela, les travaux suivants peuvent affirmer leur originalité sur deux points. D’une part, ils fournissent une compréhension plus profonde de l’histoire politique moderne. Dans leurs travaux appliqués, Mises et Rothbard évoquent la plupart des événements et des questions économiques et politiques au centre du XXe siècle : socialisme contre capitalisme, monopole contre concurrence, propriété privée ou publique, production et commerce contre imposition, réglementation et redistribution, etc. Les deux ont rendu compte en détails de la croissance rapide du pouvoir de l’État durant le XXe siècle et ont décrit ses conséquences économiquement et moralement délétères. Cependant, alors qu’ils s’avérèrent spécialement perspicaces et clairvoyants dans leurs initiatives (surtout en comparaison avec leurs homologues empiristes-positivistes), ni Mises ni Rothbard n’ont essayé de rechercher méthodiquement une cause au déclin de la pensée libérale classique, du capitalisme de laissez-faire, et de la hausse concomitante des idéologies politiques anti-capitalistes et de l’étatisme au cours du XXe siècle. Certes, ils ne voyaient pas la démocratie comme en étant une cause. En effet, bien que conscients des insuffisances économiques et éthiques de la démocratie, Mises comme Rothbard avaient un faible pour la démocratie et avaient tendance à considérer la transition de la monarchie vers la démocratie comme un progrès. En revanche, j’expliquerai la croissance rapide du pouvoir de l’État au cours du XXe siècle, déploré par Mises et Rothbard, comme le résultat logique de la démocratie et de l’esprit démocratique, c’est-à-dire la croyance (erronée) de l’efficacité et / ou de la justice de la propriété publique et de la règle populaire (la majorité).
D’autre part, sur la base de cette compréhension « révisionniste » plus profonde de l’histoire moderne, les travaux suivants arrivent aussi à une « meilleure » compréhension – plus claire et plus fine – de l’alternative constructive au statu quo démocratique, c’est-à-dire l’ordre naturel. Il y a des explications détaillées sur le fonctionnement d’un ordre naturel comme système social « sans État », avec les organismes d’assurance librement financés jouant le rôle du fournisseur compétitif de loi et d’ordre. Et il y a une discussion tout aussi détaillée des questions stratégiques. En particulier, il y a une discussion détaillée sur la sécession et la privatisation comme principaux moyens et véhicules par lesquels dépasser la démocratie et établir un ordre naturel.
Enfin, avec ces travaux, je souhaite promouvoir en particulier la tradition de la théorie sociale autrichienne et contribuer à sa réputation non seulement en tant que bastion de la vérité, mais aussi parce qu’elle est inspirante, stimulante et rafraîchissante. Et par la même occasion, mais plus généralement, je souhaite promouvoir et contribuer à la tradition de cette grande théorie sociale, englobant l’économie politique, la philosophie politique et l’histoire et notamment les questions normatives et positives. Un terme plus approprié pour ce genre de projet intellectuel semble être « sociologie ». Mais alors que le terme « sociologie » a parfois été utilisé dans ce sens, sous l’influence dominante de la philosophie empiriste-positiviste, le terme a acquis une signification et une réputation tout à fait différentes. Selon la doctrine empiriste, les questions normatives ne sont pas des questions « scientifiques » du tout et il n’existe aucune théorie a priori. Cela exclut dès le départ toute grande théorie sociale, vue comme « non scientifique ». En conséquence, la majorité de ce qui se fait appeler sociologie de nos jours est non seulement tout simplement faux, mais aussi hors propos et ennuyeux. En revanche, les travaux suivants sont tout ce qu’un bon positiviste affirme qu’on ne peut pas et qu’on ne doit pas être : interdisciplinaires, guidés par la théorie et traitant des deux questions empiriques positives et normatives. J’espère démontrer, par exemple, que c’est la bonne approche ainsi que la plus intéressante.
[1] Pour un brillant résumé des causes et des conséquences de la Seconde Guerre mondiale, je suggère Ralph Raico, « World War I: The Turning Point, » dans John V. Denson, The Costs of War. America’s Pyrrhic Victories (New Brunswick: Transaction Publishers, 1999).
[2] Erik von Kuehnelt-Leddihn, Leftism Revisited. From de Sade to Pol Pot (Washington, D.C.: Regnery, 1990), p. 210; sur Wilson et le Wilsonisme, voir également Murray N. Rothbard, « World War I as Fulfillment: Power and the Intellectuals, » Journal of Libertarian Studies, Vol. 9, no. 1, 1989; Paul Gottfried, « Wilsonianism: The Legacy that Won’t Die, » Journal of Libertarian Studies, Vol. 9, no. 2, 1990; idem, « On Liberal and Democratic Nationhood, » Journal of Libertarian Studies, Vol. 10, no. 1, 1991; Robert A. Nisbet, The Present Age (New York: Harper & Row, 1988).
[3] Voir Murray N.Rothbard, « War Collectivism in World War I, » dans Ronald Radosh & Murray N. Rothbard, eds., A New History of Leviathan (New York: E. P. Dutton & Co., 1972; Robert Higgs, Crisis and Leviathan (New York: Oxford University Press, 1987).
[4] Voir Francis Fukuyama, La Fin de l’histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion, 1993
[5] La liste comprend Ludwig Boltzmann, Franz Brentano, Rudolph Carnap, Edmund Husserl, Ernst Mach, Alexius Meinong, Karl Popper, Moritz Schlick, et Ludwig Wittgenstein parmi les philosophes, Kurt Gödel, Hans Hahn, Karl Menger, et Richard von Mises parmi les mathématiciens, Eugen von Boehm-Bawerk, Gottfried von Haberler, Friedrich von Hayek, Carl Menger, Fritz Machlup, Ludwig von Mises, Oskar Morgenstern, Joseph Schumpeter, et Friedrich von Wieser parmi les économistes, Rudolph von Jhering, Hans Kelsen, Anton Menger, et Lorenz von Stein parmi les juristes et les théoriciens du droit, Alfred Adler, Joseph Breuer, Karl Buehler, et Sigmund Freud parmi les psychologues, Max Adler, Otto Bauer, Egon Friedell, Heinrich Friedjung, Paul Lazarsfeld, Gustav Ratzenhofer, et Alfred Schütz parmi les historiens et les sociologues; Hermann Broch, Franz Grillparzer, Hugo von Hofmannsthal, Karl Kraus, Fritz Mauthner, Robert Musil, Arthur Schnitzler, Georg Trakl, Otto Weininger, et Stefan Zweig parmi les écrivains et critiques littéraires, Gustav Klimt, Oskar Kokoschka, Adolf Loos, et Egon Schiele parmi les artistes et les architectes, et Alban Berg, Johannes Brahms, Anton Bruckner, Franz Lehar, Gustav Mahler, Arnold Schoenberg, Johann Strauss, Anton von Webern, et Hugo Wolf parmi les compositeurs.
[6] Voir Allan Janik & Stephen Toulmin, Wittgenstein’s Vienna (New York: Simon & Schuster, 1973); William M. Johnston, The Austrian Mind. An Intellectual and Social History 1848-1938 (Berkeley: University of California Press, 1972); Carl E. Schorske, Fin-de-Siecle Vienna: Politics and Culture (New York: Random House, 1981).
[7] Pour une collection contemporaine d’exemples de l’«histoire contrefactuelle» voir Niall Ferguson, ed., Virtual History. Alternatives and Counterfactuals (New York: Basic Books, 1999).
[8] Sur la relation entre le communisme et la montée du fascisme et du national-socialisme voir Ralph Raico, « Mises on Fascism, Democracy, and Other Questions, » Journal of Libertarian Studies, Vol. 12, no. 1, 1996; Ernst Nolte, Der europaeische Buergerkrieg, 1917-1945. Nationalsozialismus und Bolschewismus (Berlin: Propylaeen, 1987).
[9] Ce n’est autre que George F. Kennan, écrivant en 1951, qui en est presque venu à l’avouer : « Pourtant, aujourd’hui, si quelqu’un se voyait offrir la chance d’avoir à nouveau l’Allemagne de 1913, l’Allemagne gérée par des personnes conservatrices mais relativement modérées, c’est-à-dire ni des nazis ni des communistes, une Allemagne forte, unie et inoccupée, pleine d’énergie et de confiance, capable de jouer un rôle nouveau dans le rééquilibrage de la puissance russe en Europe – eh bien, il y aurait des objections venant de nombreux milieux, et cela ne rendrait pas tout le monde heureux ; mais à bien des égards ce ne serait pas si mal, en comparaison avec notre problème d’aujourd’hui. Maintenant, pensez à ce que cela signifie, lorsque vous additionnez le score total des deux guerres, en termes d’objectifs ostensibles, vous verrez si elles ont servi à remporter quelque chose ou non, il est assez difficile de le discerner. » American Diplomacy 1900-1950 (Chicago: University of Chicago Press, 1951), pp 55-56.
[10] Voir sur le sujet Ludwig von Mises, Théorie et histoire. Une interprétation de l’évolution économique et sociale (édition numérique de l’Institut Coppet, traduction par Hervé de Quengo), idem, The Ultimate Foundation of Economic Science. An Essay on Method (Kansas City: Sheed Andrews & McMeel, 1978), Hans-Hermann Hoppe, Kritik der kausalwissenschaftlichen Sozialforschung. Untersuchungen zur Grundlegung von Soziologie und Oekonomie (Opladen: Westdeutscher Verlag, 1983), idem, Economic Science and the Austrian Method (Auburn, Al.: Ludwig von Mises Institute, 1995).
[11] Voir Bran Blanshard, Reason and Analysis (LaSalle: Open Court, 1964), également Arthur Pap, Semantics and Necessary Truth (New Haven: Yale University Press, 1958), Saul Kripke, « Naming and Necessity, » dans Donald Davidson & Gilbert Harman, eds., Semantics of Natural Language (New York: Reidel, 1972), Paul Lorenzen, Methodisches Denken (Frankfurt/M.: Suhrkamp, 1968).
[12] Même un « bon empiriste » devrait admettre que, selon sa propre doctrine, il ne peut pas savoir a priori si oui ou non les théorèmes a priori existent et peuvent être utilisés pour trancher entre les explications incompatibles d’un seul et même ensemble de données historiques, il aurait donc à adopter une attitude de « qui vivra verra ».
[13] Pour éviter tout malentendu : Dire que quelque chose est « nécessaire » (et peut être reconnu en tant que tel « a priori »), ne revient pas à prétendre que personne n’est infaillible. Les mathématiciens et les logiciens, eux aussi, affirment être concernés par les relations nécessaires, et pourtant ils ne prétendent pas être infaillibles. Au contraire, ce qui est affirmé à cet égard est qu’afin de réfuter une proposition théorique (par opposition à une proposition hypothétique) autre, un argument théorique encore plus fondamental est nécessaire, tout comme une autre preuve ou argument mathématique ou logique est nécessaire (et pas de « preuves empiriques ») afin de réfuter un théorème mathématique ou logique.
[14] Voir Murray N. Rothbard, Economic Thought Before Adam Smith. An Austrian Perspective on the History of Economic Thought (Aldershot, UK: Edward Elgar, 1995), idem, Classical Economics. An Austrian Perspective on the History of Economic Thought (Aldershot, UK: Edward Elgar, 1995), également Randall Holcombe, ed., Fifteen Great Austrian Economists (Auburn, Al.: Ludwig von Mises Institute, 1999).
[15] Ludwig von Mises, L’action humaine. Traité d’économie, Paris, Les Belles Lettres, 2004, Murray N. Rothbard, L’Homme, l’économie et l’État, Paris, Institut Charles Coquelin, 2007

Source: institutcoppet.org

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