19/11/2016

Primaires: lassitude et tremplin trumpiste


Les primaires tuent-elles la démocratie ?

Eric Verhaeghe

Les primaires devaient – et c’était une bonne idée – participer à la démocratie en rendant plus transparent le fonctionnement des partis politiques. Leur déroulement pourrait très bien aboutir au contraire : à force d’allonger la campagne électorale, et d’enchaîner débats confus pour ceux qui cherchent une investiture, et discours vides pour ceux qui font cavalier seul, les primaires forgent progressivement une lassitude pour le formalisme démocratique sans véritablement atteindre le fond des problèmes.


Un calendrier infernal

Avec les primaires, la campagne électorale dure un an. Les législatives s’achèveront en juin 2017, et c’est en juin 2016 que les rivalités pour les primaires ont commencé. En poussant le bouchon, on pourrait même identifier le début de la campagne à droite vers le mois d’avril ou mai 2016.
Avec plus de douze mois de préemption du débat public par les discours de campagne, le citoyen a le vertige : la démocratie, n’est-ce que préparer des élections ? Le calendrier des primaires produit une sorte d’excès de débat, d’hyperactivité oratoire qui discrédite l’exercice.
On notera qu’aux États-Unis, les primaires démocrates et républicaines sont conduites en même temps.


Les débats se suivent et se ressemblent

Dans la lassitude qui gagne, la succession de débats répétitifs ajoute un ennui à tant d’autres. Le débat qui avait lieu hier soir entre candidats républicains l’a encore montré. Qui écoute encore sept personnalités, dont les désaccords sont connus, échanger de façon mécanique leurs divergences de vue sur les mêmes dossiers ?
On pourrait s’en amuser si l’effet induit par cette sorte de rituel n’était pas à l’exact opposé des intentions affichées. Dans la pratique, on peine à croire que la famille républicaine puisse avoir encore des débats sereins dans les années à venir, notamment en présence de Nicolas Sarkozy. Sur le fond, il est quand même compliqué de comprendre que des gens qui appartiennent au même parti et se fréquentent depuis tant d’années aient encore besoin de débats aussi longs pour convaincre.
Les Républicains ne vendront pas de rêve
Une chose est sûre à l’issue du débat : le candidat républicain, s’il est élu à l’Élysée, ne rasera pas complètement gratis. Dans tous les cas, il promet une curée dans les effectifs de la fonction publique. Même Juppé supprimerait 300.000 fonctionnaires.
Nul ne sait si ces promesses seront tenues, mais un fait marque les esprits. Les Républicains n’ont pas vendu de rêve et ont eu à cœur de chiffrer leur programme. Certains ont même pondu des encyclopédies sur le sujet, comme Bruno Le Maire, qui devrait se prendre une veste. Tout ça pour ça ! dommage pour ceux qui ont passé des nuits à tenir la plume.
On verra en mai si la tactique de la vérité (partielle, forcément, dans ce genre d’exercice) est payante.


Macron se différencie en vendant du rêve

Quelques heures avant le débat des Républicains, BFM TV retransmettait en direct le meeting de Macron à Marseille. Façon caucus américaine, Macron a prononcé un discours plein de promesses, aux antipodes de la technique en vigueur chez les Républicains. Ici, on vend du rêve et de l’optimisme, pas du sang, de la sueur et des larmes. La tactique sera-t-elle payante ?
Macron a quand même quelques épées de Damoclès au-dessus de la tête, notamment sur ses relations avec les milieux d’affaires qui font sa campagne. Pour l’instant, il joue l’homme libre révolté contre le système. Combien de temps durera cette imposture ?
Celui qu’il faudra sans doute pour l’obliger à chiffrer son programme et à dire clairement qui paiera pour qui, sans effet de manche inutile.


La démocratie fatiguée

Reste que la démocratie sortira sans doute très fatiguée de cet exercice où le citoyen se transforme en spectateur hyperactif d’un déluge rhétorique où tout et son contraire lui sont promis. On aurait voulu non pas banaliser, mais rendre insignifiante la parole politique, qu’on ne s’y serait pas pris autrement.

Réflexion faite, à l’issue de ce premier cycle de primaire généralisée, on comprend mieux pourquoi les Américains votent peu le jour du scrutin.


Source:  Éric  Verhaeghe

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